IL PARAÎT QUE NOS ROUTES SE DÉGRADENT...

Comment l’affirmer sans connaissance de son patrimoine ?

Lire la suite par Jean-Pierre Briquet

IL PARAÎT QUE NOS ROUTES SE DÉGRADENT...

Par rapport à quoi ?

Lire la suite par Jean-Max Gillet

IL PARAÎT QU'IL N'Y A PAS D'ASSEZ D'ARGENT POUR ENTRETENIR LES ROUTES ...

Comment parler d’argent sans parler de stratégie ?

Lire la suite par Eric Gonot

IL PARAÎT QU'IL N'Y A PAS D'ASSEZ D'ARGENT POUR ENTRETENIR LES ROUTES ...

Entretenir, ce n’est pas refaire du neuf !

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MOCHE ?

Non, écologique et durable !

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MOCHE ?

Non, économique et durable !

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Il paraît que nos routes se dégradent…

Comment l’affirmer sans connaissance de son patrimoine ?

Les gestionnaires ne connaissent pas leur réseau avec suffisamment de précision et d’acuité pour en gérer la maintenance dans des conditions techniques, politiques, économiques et environnementales optimisées.

Texte par Jean-Pierre Briquet
NextRoad

Le réseau français, quantitativement

Pour un certain nombre de raisons parmi lesquelles on peut citer, sans que cette liste soit exhaustive : 

  • les différentes étapes de la décentralisation avec les transferts de propriété des routes,
  • les réorganisations techniques et administratives entre l’État (les DDE pour faire simple) et les collectivités,
  • Les évolutions technologiques pour enregistrer le patrimoine routier, du cahier à l’informatique centralisée non communicante puis au Système d’Information Géographique inadapté. 

Pour se convaincre de ce constat, il suffit de lire 2 rapports émanant des services de l’État : le rapport ONR (Observatoire National des Routes) de 2019 et le rapport de la sécurité routière 2018.

2 rapports issus de 2 sources officielles, des chiffres différents :  1.071.200 km de toutes pour 101 départements pour l’Observatoire National de la Route de l’IDRRIM, 1.091.651 km pour 95 départements pour l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière !

En synthèse, la France compte plus d’1.000.000 km de routes (terme impropre car il faudrait parler d’itinéraires) et de l’ordre de 250.000 ouvrages d’art (à 50.000 près) si on se réfère aux données généralement publiées et utilisées. Sa valeur à neuf est estimée à 2.000 Milliards €, là encore, selon les chiffres habituellement utilisés. 

Il est plus facile de dire que « globalement le patrimoine se dégrade par manque de moyens financiers », que de ne pas remettre en cause cette mauvaise connaissance comme ils le feraient pour d’autres biens, juste en mobilisant leur esprit critique, leur bon sens. 

Comment gérer et entretenir ce qu’on ne connaît pas, ni en quantité, ni en qualité ?

Si la notion de km de routes est adaptée à la construction car il s’agit de relier un point à un autre, elle est inappropriée à l’entretien qui porte sur des surfaces. On équipe sa maison de volets en nombre mais le peintre calcule le prix pour les repeindre en fonction de leurs types et de leurs surfaces. 

Le nombre d’ouvrages d’art n’est pas davantage signifiant. Un ouvrage d’art maçonné ne s’entretient pas comme un ouvrage en béton ou en métal. Sa surface est également un élément déterminant. L’entretien d’un volet en bois ne se fait pas à la même fréquence qu’un volet en aluminium ou en plastique. Le coût dépend de la taille, de la surface, des opérations à réaliser.

La valeur à neuf n’est pas une référence pour l’entretien. L’entretien est relatif à un état de service attendu. On n’entretient pas sa voiture pour qu’elle soit neuve en permanence. On l’entretient pour qu’elle roule avec un certain niveau de sécurité, de fiabilité, de confort.

Le réseau français, qualitativement 

L’imprécision des seules données quantitatives laisse imaginer l’encore moins grande précision des données qualitatives.

A) Les routes 

Alors que toutes les références habituellement utilisées sont des kilomètres, une route s’entretient en surface et profondeur. Le coût d’entretien d’une route se réfère en conséquence : 

• à des m² puis, 

• à une technique d’entretien ou une solution d’entretien qui précise l’épaisseur des travaux. 

La connaissance de l’état qualitatif d’un réseau routier peut être réalisée de plusieurs façons. Le relevé de l’état au moyen d’appareils d’auscultation à grand rendement a fait l’objet de beaucoup de publications, de guides, de séminaires depuis leur origine, c’est-à-dire le milieu des années 90. Pourtant, le taux de pénétration reste faible et la méthode historique a énormément vieilli comparée à l’environnement numérique de 2020. 

On estime à travers l’analyse des appels d’offre et consultations lancés que :

  • 17% des départements auscultent régulièrement l’état des dégradations sur leur réseau
  • moins de 2% des communes ou communautés de communes ou métropoles

Ces chiffres sont encore plus faibles si on regarde la mesure de l’adhérence des chaussées. On estime que moins de 1% des itinéraires des départements ou communautés de communes ou métropoles sont contrôlés relativement à ce critère. 

Le rapport de l’ONR 2019 est très parlant et confirme cette méconnaissance plutôt qu’une connaissance. La figure ci-dessous est très explicite. Seuls les départements auscultant leur réseau au moyen d’appareils à grand rendement sont capables de calculer un indicateur qualitatif de type IQRN (Indice Qualité des Routes Nationales) / IQRD (Indice Qualité des Routes Départementales) ou notation externe.

Ils ne sont donc au total que 17% de l’échantillon. Près de la moitié (48% pour pas de notation ou non précisé) n’a dans les faits aucun système de notation (évaluation qualitative), quant à la notation interne, on peut imaginer ce qu’il en est. Il faut ajouter à cela que ces systèmes de notation sont « grosse maille ».

Lorsqu’on regarde les métadonnées des données utilisées, il y a matière à s’interroger dans le contexte numérique de 2020. Un certain nombre de gestionnaires reconnaissent ne pas être capables d’établir un programme de travaux sur la base de ces indicateurs.

A titre de comparaison : que signifie avoir un parc automobile en bon état général ? En quoi savoir que 15% du parc est en mauvais état permet de planifier des travaux sur les véhicules concernés ?

Après avoir interrogé 12 EPCI sur les 1237 existants, l’ONR a obtenu 4 réponses. Aucune n’est capable de répondre sur la manière dont elle gère son patrimoine. 4 ont su donner des chiffres relatifs à leur dépense. Cela en dit long sur la connaissance du patrimoine géré.

La figure ci-dessous du rapport ONR 2019 montre également la très grande complexité de ces regroupements, tous les EPCI n’ayant pas choisi les mêmes domaines de compétences.

B) Les ouvrages d’art 

Les ouvrages d’art ne sont pas mieux lotis. Si on se réfère au rapport ONR 2019, les méthodes d’auscultation sont un peu plus homogènes, les départements mettant en œuvre la méthode visuelle préconisée par le CEREMA lorsqu’ils les réalisent. Ils ne sont pourtant que 50% à le faire.

Comme les métropoles, ils utilisent majoritairement le système de notation IQOA (Indice Qualité des Ouvrages d’Art) du CEREMA pour les évaluer qualitativement. Tout comme les méthodes IQRN/IQRD, il faut considérer ces indices comme étant « grosse maille ».

Il faut noter qu’aucune question et a fortiori aucune réponse ne concernent l’appareillage des ouvrages en dispositifs de mesure automatiques, en temps réel par exemple.


Comment gérer et entretenir ce qu’on ne connaît pas, ni en quantité, ni en qualité ?
Constituer la base de connaissance de son patrimoine, de façon précise et exhaustive est la première étape d’une démarche éclairée et efficiente de gestion d’actifs. Nous sommes en 2020, il y a à présent des méthodes, des outils et des bureaux d’études afin d’aider les gestionnaires dans cette démarche. 
Sortons de nos zones de conforts et posons-nous les bonnes questions afin de progresser.